"Combien font mille moins sept?"
C'était les questions qu'il s'obstinait de me poser tandis que sa pince venait enlever le reste de l'ongle de mon auriculaire gauche. J'étais impuissante face à cet homme là, m'observant comme du bétail tandis que j'hurlais à l'agonie.
"Combien font mille moins sept?"
Je me remuais dans tous les sens, sentant le point de rupture approcher de plus en plus. Il craquait continuellement ses doigts en attendant la même réponse que j'annonçait encore et encore. Mes liens ne cédaient pas et son visage scarifié s'approchait encore un peu plus près, attendant que je cesse de me débattre... C'est alors que je vis l'ombre de sa main agripper le haut de mon crâne, me forçant à le regarder de nouveau.
"N... Neuf cent..."
Le nombre n'était pas complet... Je m'en rendis alors compte lorsque je sentis ma paumette gauche s’affaisser et surement une de mes côtes qui, vulgairement se répandit un peu plus à l'intérieur de mon abdomen. Il se redressa encore une fois, éclatant de nouveau la poche d'air coincée entre ses phalanges, réitérant un craquement audible dans toute la pièce. Le plus vulgaire dans tout ça... C'était le marbre du salon qui reflétait mes coquards. Mon sang luisait comme si aucune loi gravitationnelle n'entrait en jeu. Le canapé en soie - probablement - sur lequel il s'installait en me laissant cracher le trop plein d'hémoglobine en bouche était d'un mauve écœurant. L'écoulement était régulier. Je devais en perdre pas mal étant donné que je ne distinguait plus les formes.
"Combien font mille moins sept?"
Encore cette même phrase... Un craquement puis un temps d'attente trop long qui annonçait le retrait du dernier ongle de ma main gauche. Je ne criais plus. J'avais atteins mon point de rupture. Je n'entendait que les pas qui se rapprochaient un peu plus de moi, surement pour vérifier mon état. Et puis de nouveau comme depuis deux jours, plus rien. Le noir complet accompagné d'une surdité absolue.
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- Sur un air introductif.:
Par où commencer sans paraître dans le défaitisme ou l'arrogance pure et simple... Déjà mes origines. Nippo-américaine, née d'une mère Japonaise et d'un père Américain. Malgré le fait que je n'ai passé que mon enfance sur les terres nippones, j'en ai néanmoins la culture, le parlé et évidemment le cliché martial. Même mon prénom et mon nom veulent dire quelque chose. Tia Shinobu. Ce qui veut littéralement dire; "L'éclat de la mort". On m'aurait laissé choisir, je crois que j'aurais tout donné pour devenir une pure occidentale, et a risque de vous y méprendre, les histoires de mafias ça ne se passe que dans vos têtes.
Ma mère rêvait que je sois quelqu'un d'indépendant, et mon père lui aspirait à ce que je devienne quelqu'un. Au final, j'ai jamais réellement suivit leur décision. Je n'ai pas penché non-plus du plus mauvais côté de la balance, j'ai juste eu des fréquentations qui n'étaient pas conseillées mais c'est ce qui m'a forgé. Comme je disais, je veux pas tomber dans l'arrogance alors je ne m'avancerai pas trop dans le détail. Mais je suis une voleuse. J'ai manqué à quelques reprises de me faire avoir, mais sans grands résultats de leur côtés.
A quoi bon avoir des règles si ce n'est pour les transgresser.
C'est comme ça que je vis sur le sol américain. J'ai préféré quitter mon petit confort pour apprécier l'adrénaline du danger en quelque sortes. Ce qui me motive principalement... C'est comment dire...? Vivre d'une liberté inconditionnelle. Qu'elle vienne brider celle des autres, ce n'est que leur problème. Si l'on devait revoir la chose, ce sont ceux qui ne peuvent vivre sans quelque chose qui sont réellement écœurants. Le matérialisme, je le considère comme une addiction. Moi ce que je leur fais? Un sevrage sous conditions.
P.S (hors bckg): Tia signifiant "Eclat" et Shinobu qui est le résultat de Shine (Mort/Mourir) et Bu (Section) signifie donc "Eclat de la Mort". Les japonais ont souvent cette tendance de donner des prénoms en concordance avec les noms de famille. La signification réelle se fait durant l'écriture, qui, lorsque le nom et prénom sont écrit, comportent les caractères d'écriture d'un terme particulier. En gros, le nom et prénom s'écrivent avec les caractères de la mort, de la vie, du printemps, etc, etc. C'était juste un débrief.
- Sur une douleur ancrée.:
"Combien font mille moins sept?"
Je n'avais même pas réalisé que mon esprit était revenu. Et il me regardait continuellement avec ses yeux d'un gris perçant. Je ne sais plus ce que j'avais volé à ce moment là, mais comme je l'avais dit. La police n'arrivait pratiquement à rien de leur côté, comparé aux groupes clos de Los Angeles. Le plus embêtant, je pensais, c'était qu'ils pouvaient tout savoir de toi sur l'ordre d'un bon 3600 secondes.
"Neuf-cent quatre-ving treize... Neuf-cent quatre-ving treize..."
Je l'avais dit et répété mécaniquement. Puis le son de ses phalanges venait encore une fois claquer proche de mes tympans. Mon coquard venait de se percer, vidant le surplus de sang présent le long de ma paumette enfoncée. Je n'avais plus mal du tout. J'étais épuisée, rouée de coups depuis deux jours déjà... Ou serait-ce un peu plus... Qu'importe. Ils avaient retrouvé les bijoux sur moi, donc ils me rendaient la monnaie que j'aurais un jour escomptée. J'avais quoi... Vingts ans. Le violent devait en avoir quinze de plus.
"Combien font mille moins sept?"
Si je répondais... Je m'en prenais dans les dents... Si je ne répondais pas, c'était la même. Alors le silence revenait, mais il était rompu par le craquement de ses doigts après chaque questions. Pieds et poings liés, le proprio de la demeure devait être un maniaque des comptes rendus et de la propreté. Je m'attendais à recevoir un nouveau coup lorsque le gorille s'approchait de nouveau de moi. Au lieu de ça, il tira la chaise vers l'arrière, laissant mes traces de sang être traînées par les pieds de la chaise sur laquelle je me trouvais. Il ne disait plus rien, et je me contentais d'observer le reflet du marbre au sol, désignant le sofa mauve dégueulasse qui s'éloignait doucement mais surement de moi. Le point positif, c'était que je n'avais plus a supporter les goûts douteux du proprio en matière de décoration.
Il faisait encore nuit, on pouvait le remarquer au travers des fenêtres du couloir. Les secousses causées par les pieds tapant contre les marches d'escalier m'indiquaient que je rejoignais doucement la cave pour certainement y crever comme un rat. A la fin le pied arrière droit de la chaise avait cédé. Une fois en bas, j'entendis une porte s'ouvrir juste derrière moi, et en un élan, la chaise glissa un peu plus loin avant que l'équilibre soit rompu par le pied manquant, me retrouvant indéniablement attirée vers le bas, jusqu'à ce qu'un nouveau choc retentisse dans ma boite crânienne.
- Réveil lourd.:
Le sombre de la pièce n'était pas le plus total, mais suffisant pour ne pas avoir à adapter mes yeux en les rouvrant après le choc. Le son ambiant bourdonnait lourdement dans mes oreilles, j'avais l'impression qu'un caisson de basse s'y était installé. J'étais consciente, c'était déjà ça de pris. Après quelques instants à reprendre mes esprits, je sentais le lien qui me retenait à cette chaise être légèrement plus faible, mais ce n'était pas avec mon état que je pouvais me tirer de cette impasse. Une fois les liens retirés, qu'est-ce qui me dit que mon corps pourra se permettre de bouger comme auparavant après la série de coups. Je réfléchissais à tous les scénarios possibles même si des parties manquaient dans l'histoire, suite au mal de tête qui augmentait encore et encore depuis le réveil. Je venais me pencher un peu plus en avant de la chaise encore reversée; le sol était froid et un courant d'air passé sous la porte de la pièce, donnant directement sur ma nuque. Au fur et a mesure de l'effort donné sur les liens par mes reins, sans grande surprise et déjà bien abîmés, ils cédèrent. Se relever était fastidieux. Je souffrais le martyr au niveau des côtes, et je souhaitais me tirer de là au plus vite.
Par chance - je sais même pas si je peux appeler ça comme tel - j'arrivais à me relever à l'aide du pied cassé de la chaise, qui me servait aussi de support pour me déplacer. La porte n'était pas verrouillée. Une fois ouverte, elle laissait place au long couloir que je traversais chaque fin de journée attachée à cette même chaise dont je m'étais libérée. Je me trouvais encore à Los Angeles, et le première fenêtre se présentant à moi était l'opportunité de fuir durant une nuit couverte par les innombrables nuages. Je ne savais seulement pas ce qui m'attendait par la suite, mais ma survie avait atteint son paroxysme.
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- Show time bar.:
La façade n'était pas jolie à voir. Ça ressemblait à un vieux bar délabré dans lequel on y stockait les rats ou les porcs abattus en ferme et trop malades pour les manger. En y entrant, une bonne musique assez rock'n'roll faisait sa loi. Moi avec mes coquards et mon air bagarreuse, je n'avais aucun problème à m'y faire servir un verre. Un double whisky. Un truc pour les couillus qu'on m'avait dit. J'oubliais par la même occasion que les femmes dans ce coin n'étaient pas forcement vues autrement que pour féconder l'espèce d'un alcoolique. Mais j'm'en foutais. La flicaille grouillait les bancs, riants par moment, me dévisageant par d'autres.
J'remercierai jamais assez le médecin qui m'a pris en charge pour les coups reçus et sans lui devoir quoi que ce soit. Ça me faisait déjà une meilleure gueule. Une fois mon double whisky bien entamé, c'était l'heure d'un autre non-habitué apparemment de faire son entrée. La basse cour des poulets le dévisageaient. Ils avaient l'air de se connaître mais sans plus. Quand à ce fait, si ce connaître est synonyme de dégainer les armes dés qu'on se voit, alors j'pouvais dire qu'ils s'adoraient. Un afro-américain qui débarque dans un bar de blancs... Et encore, je suis bien placée moi pour dire ça... Tant qu'on ne sait pas mon nom de famille, j'ai toutes les raisons d'être américaine.
L'afro semblait plus vieux que toute l'assemblée qui braquait leur arme de services. Des histories de morts à ne pas s'en mêler. J'en avais fini pour terminer mon double whisky avant de le reposer sur le bar. Discrète et muette, j'avais remis mon foulard correctement et déposé un billet de dix dollars sur le comptoir avant de filer au plus vite aux vues des flics en question qui en venaient à présent à braquer leur arme envers leur soit-disant collègues. Personne ne m'a remarqué entrer, et donc sortir serait évidemment le même spectacle.
Il ne faisait toujours pas jour, mais la nuit continuait son cycle. Alors que je marchais dans les rues, j'entendais les sirènes d'ambulances en tout genre se ruer vers le bar en question. Des morts, des blessés, le genre de règlement de comptes qui se finissent toujours mal. Une belle réunion de famille comme j'évitais d'en voir. J'aurais pu faire demi-tour, mais je préférais éviter de revoir cet afro au regard vide et monstrueux.
- Eclat de la mort.:
Continuant mon trajet sans réel but précis hormis celui de trouver un endroit où je pourrais dormir, j'arrivais au centre ville qui se voyait être bondé de monde trop pressé pour s'arrêter, trop ivres pour penser ou trop con pour réfléchir. C'était un putain de terrain en or. Des portefeuilles enfoncé négligemment à l'arrière des poches, des gars qui pensent se payer les services d'une catin, et d'autres encore plus à la ramasse. Je me voyais donc sur mon terrain de jeu, venant alors tendre les mains sur des passages risqués; volant un portefeuille de cuir, ne prenant que l'argent, et le laissant tomber à terre. Ainsi de suite durant quelques minutes, évidemment je changeais le terrain de jeu. A la fin je me retrouvais avec le triple de la première somme amassée: cinq-cent trente-deux dollars en tout. C'était une bonne soirée en l'occurrence.
J'aime l'argent, autant que ce dernier peut m'aider. J'avais de quoi me payer une chambre pour la semaine rien qu'avec cette somme. Après quoi, je suis raisonnable et me contente seulement du strict nécessaire. Ça pouvait me payer un verre ou deux une fois la chambre de louée. Pershing Square était un terrain privilégié pour ça. Surtout qu'ils savent déjà depuis bien longtemps maintenant que je me suis enfuie. Alors c'est ce que j'ai fais, j'ai pris une chambre à l'hôtel en face du poste de police, m'y suis installée lourdement, et encore une fois en tendant l'oreille de part la fenêtre, des coups de feux, non loin d'ici.
Los Angeles était réellement bien agitée cette soirée. C'est ce que j'avais pensé à voix haute lorsque j'eu reçu une réponse à ce monologue. Une femme se trouvait en face de moi, elle n'était pas éclairée par le halo de la lumière.
- Sombre de la nuit.:
Oh..? Une voleuse hors-pair à ce que je vois, à un détail près. - J'vous demande pardon? - J'aimerai retrouver dans ma main mes trois cents dollars que tu m'as volée.
Le plus impressionnant est qu'elle restait de marbre tendant juste la main gauche en ma direction, paume ouverte, qui était la seule chose d'ailleurs de son corps qui se voyait être éclairé.
Quels trois cents dollars? - Attention gamine... Je n'aime pas ça du tout.
Le ton de sa voix n'avait pas changé, mais je me trouvais de plus en plus mal à l'aise face à cette situation. Elle devait surement être l'une des personnes à qui j'ai dérobé de l'argent, mais ne présentait pas grands danger. Je pensais pouvoir réussir à la faire sortir d'ici sans grand résultats. Elle continuait de rester fixe agitant sa paume ouverte en ma direction, démontrant son impatience.
Je crois que je n'arrive pas à t'apprécier. - C'est pas comme si c'était mon problème. J'ai pas vos trois cents dollars, vous devez - - Je ne confonds pas. Tu es celle qui s'est emparée de mon portefeuille, le vidant de son espèce, et le jetant à terre.
Pas de doutes. Elle avait de l’œil, et ils fonctionnaient bien. Elle n'avais pas l'air d'être le genre à vouloir porter plainte. C'est donc pourquoi je me suis redressée en m'étirant puis en engageant le premier pas. Chose que je n'aurais pas du faire. Elle aussi s'est approchée en dévoilant son visage marqué de cicatrices dont une à l’œil droit. Son regard était malsain tout comme son attitude. Et avant que je n'eu le temps d'ouvrir la bouche pour parler, elle avait annoncé la couleur en se retournant pour ressortir, lançant derrière elle, une douille de 7.62mm en ma direction.
A demain gamine. T'as des choses à apprendre ici.
La douille roulait alors vers moi, la femme me laissant là, dans ma chambre. J'observait la douille, et je venais de me rendre compte que d'infimes frissons me parcouraient le corps, annonçant un lourd problème à venir.
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- Anarchy road.:
Le réveil fut lourd, trois, quatre coup de sonnette de la porte de l'appartement. Quand on ouvre les yeux pour la première fois en dehors d'une cave sombre qui pue la mort et le sang, on aurait préféré être réveillé par autre chose qu'un acharné à la sonnette. Je baillais lourdement tandis que mes pieds traînaient le sol en direction du hall d'entrée. Ma main se posa mécaniquement sur la poignée de la porte avant qu'une quelconque petite voix me dise de vérifier auparavant au travers de cette dernière. Je me stoppais alors net en approchant avec méfiance mon œil droit. La seule chose qui se dévoilait au travers de la porte était un homme d'une quarantaine d'années, semblant sentir l'intérêt méfiant que je lui portait. Il souriait alors d'une telle manière que j'en vins à me reculer d'elle avant qu'il n'enfonce cette dernière. Son pied droit était le coup de bélier qui le dévoilait intégralement après quoi. Il avait les mains dans les poches, un équilibre parfait et une prestance à en faire perdre l'équilibre d'autrui, dont le mien. Je venais de sursauter en arrière, titubant autant que je le pouvais tout en reculant.
Il releva alors la tête m'observant légèrement. Un soupir se laissait entendre de cet homme nonchalant. Une armoire à glace dans un bomber marron et vieillit par la terre et le sang. Un pied devant l'autre, il s'approchait de moi qui n'osait bouger. Sa main droite sorti de sa poche et attrapa doucement mon visage, ou du moins mon menton qu'il releva vers ses yeux. Il voulait que je le voit comme il me contemplait.
M'alors... C'est donc de ça dont la gamine me parlait... Hmm... Quelque chose d'aussi frêle qu'une feuille morte tombée récemment de l'arbre... Ouais... Je vois le genre de cas présent...
Je n'arrivais pas à lui répondre et ne savait pas quoi lui répondre de toute manière. Elle me l'avait dit sans que je n'y croit réellement jusqu'à ce qu'une nuit ne passe seulement. Aussi inconcevable que ça pouvait être, j'avais toujours la douille de 7.62mm sur la table basse. Il la constata d'ailleurs avant de rire rauquement d'un air étouffé. Un homme dont les cicatrices marquaient le visage, et le doigt de l'annulaire gauche manquant me dévisageait alors comme un vulgaire morceau de viande. Il recula alors sa main, venant faire de même avec son visage avant de décaler son pied droit en retrait, comme pour lui donner un appui. Il leva alors ses deux poings fermés au niveau de sa poitrine, prenant une posture de boxeur. Un nouveau sourire était lisible sur le fond de son visage.
C'est parti!!!, m’annonçait-il alors en lançant un direct du droit. J'eu le temps d'esquiver son coup que le crochet du gauche venait de créer une rencontre avec ma mâchoire. Il ne s'arrêtait pas pour autant, continuant ses gestes que j'arrivais alors à anticiper, observant derrière lui, la sortie.
Oy, oy! Tentes pas de fuir comme ça! C'était maintenant son genou qui entrait en contact avec mon abdomen. J'étais forcée de me plier en deux, venant me laisser rouler au sol, en avant. L'ouverture s'était faite. Je me redressais avec difficultés avant de plonger à grandes enjambées vers la porte enfoncée. Je ne comprenais pas tout, mais l'essentiel se trouvait derrière moi, à courir pour me rattraper.
- Hang'Em All.:
La sortie de l'appartement se fit par la porte principale qui donnait sur l'allée inhospitalière à certaines heures de la journée. Je courais en direction des égouts alors que je vis la masse débouler sur ma route, toujours en tentant de me rattraper. Il était certainement bien plus lourd que moi, et un très bon bagarreur pour risquer de nouveau de m'y frotter. La descente s'annonçait et j'étais alors toujours en course à l'intérieur des égouts. Désormais c'était les clochards qui observaient une scène qui semblait courante et plutôt amusante à leurs yeux malsains. Une jeune femme en jogging et débardeur large, poursuivie par une masse de muscles qui semblait déterminé à la rattraper. Quel cas morbide j'avais pensé à plusieurs reprises. Une fois lancée, j'étais, je pensais, impossible à arrêter. Malheureusement, la réalité me pris de court lorsque je me sentis attiré vers le bas, les jambes bloquées. Un plaquage dans les règles de l'art. Moi qui tentait désespérément d'avancer en m'aidant des bras et des mains une fois au sol, sa prise ne lâchait plus. Il me tenait pieds liés en me tirant lourdement vers lui, ou sous lui pour avoir le total contrôle. Une fois par dessus-moi, ses mains virent attraper les miennes pour me maîtriser, haletant.
Hng... Eh! Stop! Arrêtes de boug... Ah putain! Arrêtes donc de bouger!
Je ne l'écoutais pas. Je l'entendais seulement et j'avais peur. Les seules choses auxquelels je tenais plus que mes objets de valeurs étaient ma vie et ma dignité elle-même. Mon genou mécaniquement s'était logé entre ses parties, tenant de lui faire mal. C'est ce que j'avais appris à faire il y a quelques temps, mais il ne semblait pas avoir mal avant que son front n'entrechoque mon nez. J'étais sonnée clairement.
C'est bon?! T'es calmée?! - Lâ... Lâchez-moi... J'vous ai rien volé j'vous le promet! - Putain... C'qu'il faut pas faire pour elle... Calme toi j't'ai dit.
Mon nez pissait le sang à vue d’œil. Mécaniquement je continuais mes efforts qui semblaient désespérés. Je me retrouvais encore dans une situation qui me dépassait totalement. Puis, sans crier gare, il relâcha la pression exercée sur mes poignets. Mon poursuivant se redressait alors en laissant entendre un lourd soupir suivit d'un étirement et un rire de nouveau étouffé. Ce après quoi, il me tendit sa main droite ouverte, la paume vers moi, me faisant signe de me relever; ce que je fis d'ailleurs sans son aide. Il recula de quelques pas, venant replonger les mains dans ses poches du bomber en cuir sale qu'il portait. Je crachais le sang par mes narines d'une manière masculine avant de porter mon regard au sien d'un gris étonnamment clair.
J'm'appelle North. - ... Et tu me veux quoi... North. - Boire un verre. - Hmf... Faut revoir ton approche avec les femmes... Connard. - Je sais, je sais! Raaah... Mais bon! T'as pas choisis la meilleur des méthodes pour que je puisse essayer d'avoir une conversation correcte avec toi... Faut m'comprendre aussi... J'suis un peu sauvage à vu d’œil, mais j'sais être citoyen!
Je ne lui répondis rien. Son air ne m'inspirait pas réellement confiance, mais sans véhicule et avec des nasaux en moins, j'aurais pas fais long feu si j'avais voulu courir de nouveau. J'avais alors accepté à contre-cœur l'invitation de ce North en remontant a ses côté les égouts de Los Angeles. Une fois de nouveau devant mon pseudo appartement, il me fit signe de la main droite en direction de son pickup garé sur le trottoir d'en face. Je n'avais pas réellement de choix, alors nous prîmes la direction de son véhicule.
Si je m'attendais à une telle histoire, narrée par la parole d'un ex-militaire, alors j'aurais bien pu remettre en cause toutes les théories du monde et de sa création.
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- Oak Springbreakers.:
Le trajet n'était pas spécialement long et la musique dans l'enceinte du pickup n'était pas non plus désagréable. Je ne lui avait pas parlé du trajet tout comme il refusait de me parler aussi. Néanmoins, il m'adressait quelques regards de temps à autres afin de vérifier si l'état de mon nez n'empirait pas. Aux premiers coups d’œils, je vérifiais l'état du véhicule et quelques détails qui pourraient sembler significatifs du genre de personnes que je pouvais avoir à mes côtés. A l'arrière du véhicule se trouvait un vieux Remmington datant de pas mal d'années d'utilisations. Quelques canettes de bières vidées ou encore pleines jonchaient le plancher de la plage arrière tandis que derrière moi se trouvait le vieux bomber qu'il semblait porter à outrance. Mon regard cherchait les moindres détails alors qu'il semblait seulement être un vieux rustre, chasseur ou braconnier à ses heures perdues. C'était pas le genre de gabarit à être au service de la nation et encore moins à celui des autres. La première fois, j'avais pensé qu'il abordait la quarantaine passée, mais il était déjà à une bonne cinquantaine d'années lorsque les lampadaires éclairaient son visage marqué par de longues cicatrices. Sa barbe était néanmoins taillée et son regard pouvait varier entre le sombre psychopathe à celui d'un homme tout à fait normal. Le détail qui me marqua sur cet homme était le dogtag pendait du rétroviseur central sur lequel on pouvait y lire les inscriptions:
SHANNON NORTH 687-12-0432 RH POSITIVE CATHOLIC
Le temps que j'arrive à comprendre tous les détails, nous venions d'arriver dans le comté de Los Angeles, en face d'un bar miteux et surement plus ou trop peu fréquenté. L'enseigne branlait à tords et à travers. "The Well Pump" semblait plus être fade et sans vie qu'autre chose. C'est pourtant là où l'on se rendait en ce début de soirée. Il actionna le frein à main, venant remonter le verrou des portières puis me fit signe de sortir tout en le suivant. C'est ce que je fis d'ailleurs. Je n'avais pas l'intention de m'enfuir de nouveau, au risque d'y perdre certainement une jambe et un bras.
- Emprise.:
L'intérieur du bar semblait tout aussi délabré que la façade. Pourtant il semblait être fréquenté par quelques motards et paysans qui devaient certainement vivre dans le comté. North s'avançait tandis que je le suivait. D'un signe de main, il salua le barman qui fit de même avant de me dévisager tout comme le reste des locaux. Encore une fois je ne fis pas réellement bonne impression, et l'incompréhension dégagée lorsque les hommes croisaient le regard de mon agresseur semblaient en dire long sur la situation qui les dépassaient tous autant qu'ils étaient. Il s'installa en coin, sur une table plutôt entretenue avant que je ne fasse de même en m'asseyant en face de lui. J'évitais de croiser son regard au risque de me voir intimidée au plus haut point. Et alors que je tentais d'esquiver tout contact, il lança la conversation.
Timagines pas le bordel que tu as causé...
C'est clair que je n'avais aucune idée concernant la manière dans laquelle je m'étais retrouvée dans toute cette merde. Je ne répondis rien, en jouant la carte de l'intimidée alors qu'il embrayait de plus belle.
T'aurais pu voler à n'importe qui d'autre, mais il a fallu que se soit cette gamine... Putain dans quoi j'me retrouve moi encore une fois... - ... - Et évidemment tu ne parles pas... J'vais pas te bouffer pour autant hein qu'on soit clair la dessus. - ... Qu'est-ce que j't'ai fais au juste? - Les histoires ça te tentes? - Pas vraiment. - T'as pas vraiment le choix non plus. - Ca m'tente bien ouais...
Je regardais alors North qui avait posé les mains sur la table en attendant la boisson qui arrivait derrière lui. Le barman s'était avancé avec deux verres d'une pression blonde sans réel goût particulier, mais pourtant agréable lorsque j'en pris une gorgée. Le blanc c'était de nouveau instauré entre nous, le temps qu'il savoure sa bière apparemment. A droite, deux hommes qu'on aurait pu comparer aux cowboys des temps modernes se querellaient pour des histoires d'argents et de femmes. C'était rustique au plus au point, sans en déplaire à certains apparemment. En pensant ça mon interlocuteur vérifiait à plusieurs reprises son smartphone après avoir envoyé ce qui semblait être un long message. Je buvais de petites gorgées, sentant la discussion devenir longue; encore fallait-il qu'il y ait une discussion. Une fois son portable rangé, après avoir évidemment reçu une réponse et aperçu un sourire sur son visage, il braqua ses yeux au fonds des miens. Le gris perçant était réellement intimidant et le visage sérieux qui le constituait annonçait diverses choses dont une situation dans laquelle je me retrouvais alors.
- Violence verbale:
C'est certain qu'à ton âge on ne sait pas où l'on va ni où l'on finira. J'en ai connu des gens comme toi qui ne savaient pas quelles étaient les options qui s'étaient proposé à elles. T'es ce genre de cas. Mais tu vois, le truc, c'est que tu as eu plusieurs choix qui étaient possible. Rester sur ce que tu avais ou poursuivre dans l'avarice. Par moment, ça réussi par d'autres, ça peut foirer. La chose étant que là tu as totalement foiré. Tu aurais pu rester sur ta faim et te tirer tranquillement, suite à quoi, nous ne serions pas là à se parler toi et moi. Et l'autre conséquence, est que maintenant tu es en face de moi. En face de nous. Et même si je semble être seul ici, face à toi, la réalité est tout autre.
Cause à effet comme je me plait à le dire, ou sous un terme plus simple; la Loi de Murphy. Tout ce qui peut et doit arriver, arrivera forcément un jour ou l'autre. Tu as peut être accéléré les choses, ou peut être pas, mais tu es ici maintenant parce que tu devais l'être.
Pour en venir sur ce dont je voulais te parler, c'est que tu as volé la mauvaise personne... Mais apparemment tu avais déjà commis cette erreur avant. Serait-ce hier, ou il y a une semaine, j'en sais rien. Mais vraiment... Là t'es dans la merde... La plus totale d'ailleurs.
Il parlait vraiment bien pour quelqu'un qui semblait être une brute simple et sans notion de réflexion. Son air sérieux semblait pourtant réel. Il semblait porter de l'intérêt à ma personne et à ce que je deviendrais après avoir fait mes choix. Je ne savais pas si il voulait que je le suive ou que j'ouvre les yeux une bonne fois pour toute pour réellement accepter le fait que j'étais dans la merde, mais dans tous les cas, il semblait être sincère.
T'as déjà rencontrée ma patronne donc, j'ai pas à te faire le topo... Si? - Ta patronne... Tu veux dire... Hier soir? - Si tu penses que c'est elle alors... - Une gamine? - Ta vérité?
Je n'ai pas compris ce qu'il entendait par "ma vérité". Et je n'avais pas les moyens de comprendre sur le moment ce qu'il voulait réellement insinuer, mais je me retrouvais en face d'un dilemme qu'il m'annonça sans détour.
Si tu sors d'ici, tu risques de te prendre une balle. Ce risque sera limité si tu sors avec moi, mais pas impossible non plus. Il est alors censé de dire que si tu sors sans moi, que ce soit avant ou après, tu risques aussi de te prendre une balle. Que tu saches où je veux en venir ou non, ne me concerne pas, je t'explique le cas dans lequel tu te trouves et les finalités qui s'offrent à toi. - ... Dans tous les cas... Je m'en prendrais une. - Probable mais pas impossible.
La conversation était passée du concret au rationnel. Il avait réussi à me perdre dans la masse d'informations que j'avais à comprendre et à interpréter. Si je sortais avec lui, je risquais de me prendre une balle, tout comme si il partait avant ou après moi. Risquer ma peau avec lui à mes côté ou sans lui n'avait aucun sens. M'aiderait-il ou me regarderait-il me démerder... Il fallait que je fasse un choix. Ce choix me dépassait totalement.
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- Bottoms up.:
Le dernier cul sec de whisky était coriace avant qu'on ne sorte North et moi-même du bar délabré. J'ai compris où il désirait en venir durant notre précédente conversation. Les gars du coin avaient un sérieux problème. Trois d'entre eux nous attendaient à la sortie, armés d'on ne sait quel calibre. Ils nous dévisageaient comme une espèce en voie d'extinction. A croire que c'était réellement le cas. A comprendre les choses, ils nous prenaient pour deux autres personnes dont les noms m'échappaient. Apparemment, un trentenaire et une jeune femme couraient les rues du coin. Entraînant fusillades sur fusillades. Histoires d'argent et d'emprise. Le genre de trucs qui dépassaient ma petite existence et pourtant, je me retrouvait braquée par le canon d'un des trois gars. Mécaniquement je levais les mains en constatant que North avait toujours les siennes dans ses poches, affichant un rictus provocateur qui semblait aggraver notre situation.
Il ne bougeait pas, et ne bougerait pas. C'est ce que j'avais cru comprendre en le regardant de nouveau. Il s'était sorti une roulée lorsqu'il avait quitté le bar et elle se consumait encore. Il tirait mécaniquement dessus tandis que les trois autres sauvages devenaient de plus en plus menaçant. Des connards de notre genre, c'était pas nouveau chez eux, et pourtant ils continuaient d'aboyer sans mordre. C'était les propos de North envers le plus âgé qu'il semblait connaître de tête. Une fois que le canon de l'arme venait en contact avec le front de North, il décida de bouger. A ma grande surprise, ce n'était pas pour lever les mains. Il appuyait un peu plus son front contre l'arme que l'homme tenait en joue. Il souriait un peu plus envers ce dernier et lui annonçait par la suite:
Allez... Tire. Fais donc feu mon gars. T'as bien ça dans les couilles nan? Un peu de courage? - Fermes ta gueule le cuiré! - Tires... - J't'ai dit de la fermer!
Les esprits s'échauffaient. Je sentais le point de rupture approcher de nouveau tandis que j'étais alors braqué par un second individu. North lui, semblait trop occupé à vouloir mourir sur l'instant plutôt que de penser à sa vie.
Puis un coup de feu, suivit d'un autre et d'un autre qui arrêta toutes mes idées sur les débouchées possibles et imaginables. Nous n'étions pas mort non. Mais j'avais reçu assez de sang sur le visage pour rester figée. North lui, restait encore une fois immobile en me regardant sans réellement tourner la tête. Son pouce vint essuyer une petite partie du sang qui avait atterri proche de sa lèvre inférieure.
C'est pas trop tôt... J'ai cru qu'elle tirerait pas cette conne. - Qu... Qu'est-ce qu'il vient de se passer... E... Explique moi là... - Hmm? - Je comprends pas...
Il se mit à rire comme si l'évidence n'était pas encore à ma portée. Son rire était sombre. Il était habitué à l'odeur du sang.
- Embarquée.:
Comment réagir la première fois que l'on voit trois personnes tomber devant soit. Le crâne de moitié explosé par un calibre à longue portée... Vomir... Peut être paniquer ou même crier... Mais rien... Rien n'était sorti de ma bouche. Je n'arrivais seulement pas à réagir sous le regard intrigué de North qui avait replongé la main droite au fond de ses poches. Elle en ressorti alors avec un zippo argenté qui servit à rallumer sa gitane en bouche avant qu'il ne reprenne cet air nonchalant qu'il avait l'habitude de prendre. Il fit un signe de tête dans une direction que je n'avais pas suivit des yeux, avant de se pencher vers moi, la main gauche sur le haut de mon crâne, me le caressant comme si j'étais un vulgaire chien. J'en vint à le regarder alors une fois que je m'étais détaché des trois cadavres. North se pencha un peu plus, et prit l'arme d'un des trois hommes avant de me la tendre ajoutant:
Elle à le flair pour dénicher des personnes comme toi.
Flair... Dénicher... J'étais réellement un animal de compagnie à ses yeux. Néanmoins, et instinctivement, j'ai prit l'arme de ses mains. Il m'annonça qu'il y avait douze balles et que si je ne savais pas m'en servir, et bien que je devais avoir de la chance. Je n'ai pas compris pourquoi d'ailleurs je devais en avoir. Jusqu'à ce que:
Et voilà la petite bande!
Les gars du bar avaient décidé de sortir tous autant armés que pouvaient l'être une division militaire. Ils tiraient la gueule constatant les trois hommes à terre. Puis ils nous regardèrent. North avait reculé sur le trottoir d'en face, derrière ce qui semblait être une murette. Je sentais la tournure des choses virer au rouge sang. Leurs armes venaient maintenant à se dresser en ma direction. Encore une fois, instinctivement, je courrais en la direction de North. Les coups de feu avaient commencé, et je m'étais mise à couvert au bon moment. Les balles fusaient alors au travers de l'allée. Quelques impacts non-loin de moi et d'autres vers North qui ripostait alors avec un calibre bien plus gros qu'il avait dissimulé au niveau de sa ceinture. Il riait tout en tirant. C'était malsain.
Je venais donc à riposter à mon tour en sachant qu'autrement je n'en sortirai pas. Les trois premières balles tirées me fit totalement perdre l'équilibre et l'audition. Il m'en restait alors neuf dans le chargeur que je comptait au fur et à mesure. Au compte de cinq balles restantes, deux autres gars étaient à terre. North savait tirer plus précisément que je ne savais le faire. Désormais mon chargeur était vide et quatre gars restaient encore debout, ou du moins à couvert tout en tirant droitement. Je n'avais rien vu venir. Jusqu'au moment ou la douleur le long du bras gauche venait de me faire comprendre que j'en avais prit une comme il fallait. Un autre homme venait de tomber, puis North rechargea. Durant le rechargement, les derniers types debout s'écroulèrent un a un.
Un autre tireur était quelque part, sans que j'arrive à distinguer où. Le blackout s'annonçait lourd; mon bras pissait le sang un peu plus qu'auparavant. Mon allié quant à lui, s'était redressé en criant les derniers mots que j'avait pu entendre:
Merci ma belle!
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- Root.:
Le réveil n'était pas des plus agréable, mais il suffisait à me faire sentir reposée. Lorsque j'ouvris les yeux, je me retrouvais en face d'un miroir qui reflétait la pièce dans laquelle j'étais et ce sur quoi je me reposais. Un canapé assez sombre dans une pièce large où il faisait bon vivre. Sur la droite se trouvait un bar dont le bois était entretenu et luisant. Un verre de whisky vidé qui n'avait plus que les glaçons. Une bouteille sur la droite qui était encore ouverte. Personne et pas un bruit dans la demeure. Ma main prit appuis pour me redresser du canapé, et je constatait alors mon haut retiré, et remplacé par un bandage me prenant toute la poitrine jusqu'au bras où la balle s'était logée. J'y voyais encore vaguement. La pièce était réellement bien éclairée, et lorsque mes pieds touchèrent le sol, je fus prise d'un frisson parcourant l'intégralité de mon corps. Le carrelage était froid, réellement froid. Puis vient l'adaptation, je déambulais alors dans la demeure dans laquelle j'avais été rescapée. En sortant de la pièce, je constatait un couloir au plafond surélevé. En face de moi se trouvait la cuisine et à ma droite, une porte fermée. En se dirigeant alors vers la gauche, j'apercevais l'escalier qui se dévoilait et deux pièces de part et d'autre du hall d'entrée. Quelqu'un jouait du piano de l'autre côté de la porte et la pièce semblait être bien isolée pour ne pas l'avoir entendu quelques mètres auparavant.
J'appuyais alors sur la poignée tandis que je me vis coupée dans mon élan.
Evites de le déranger s'il te plait.
C'était un ordre directement venu des escaliers. En me tournant je vis une jeune femme qui, appuyée sur la rambarde de l'escalier, me dévisageait avec un air froid. Elle était brune aux yeux verts. Pas très grande vu son âge mais constituée normalement. Elle tirait sur sa cigarette en recrachant une fumée opaque.
Merci.
Qu'elle m'adressa tout aussi froidement que l'ordre qu'elle m'avait donné juste quelques secondes auparavant. Elle avait constatée que je l'écoutais et que je ne m'y tenterai pas à deux fois. Alors qu'on se regardait mutuellement, elle perdit de l'intérêt pour ma personne avant de reporter son regard au niveau du vitrail qui surplombait l'entrée. Le piano continuait de plus belles, jusqu'à ce qui semblait être un final pour les propres oreilles du pianiste en question, puis, plus rien. Plus aucun son ne sortait de l'instrument. Plus un bruit ne se faisait entendre dans la demeure.
- Elle.:
Elle continuait de regarder au travers du vitrail présentement au dessus de la porte d'entrée. Elle ne bougeait pas, jusqu'à ce qu'elle décide de s'asseoir d'une manière nonchalante qui lui semblait propre. Tout en tirant sur sa cigarette, son regard s'était de nouveau braqué en ma direction. Elle ne bougeait plus, semblant se perdre sur moi avant d'inspirer longuement. Son air fatigué et sa taille d'adolescente laissait croire que s'en était réellement une. Elle en avait vraiment l'air. Et pourtant.
C'est bizarre... Tu ne sens pas la mort.
C'est pas une gamine lambda qui irait dire ce genre de choses. Son visage laissait place à un sourire franc mais quelque peu morbide. Elle avait l'âme d'une enfant, ou du moins en apparence. Elle semblait savoir des choses dont je n'aurais jamais songé. Puis elle se redressa. En descendant lentement les escaliers tout en me dévisageant. Ses pas semblaient souples, comme si l'habitude d'être discrète était son meilleur atout. Une fois en bas des marches, elle devait être à quelques bons centimètres en dessous de ma taille, me regardant d'en bas. Elle s'approchait encore jusqu'à arriver en face de moi. Belle. C'était le terme exact. Ses mains se dressèrent jusqu'à mon visage, me l'accompagnant vers le sien avant qu'elle ne dépose ses lèvres sur les miennes. Un simple baiser laissant place à la plus grande des incompréhensions. Elle souriait avant de relâcher son emprise sur mon visage.
Tu n'en as même pas le goût.
Ricanant, avant qu'elle ne se dirige en la direction de la cuisine. Instinctivement je la suivait. Je ne savais pas qui elle était et pourquoi toute cette mise en scène. Puis elle s'arrêta au milieux du couloir, daignant se retourner vers moi. Elle pivota la tête, laissant son regard entrer en contact avec le mien. L'acte laissa place à un monologue des plus intéressants.
N'as tu aucun but? Rien qui te motive au plus haut point? Pourquoi es-tu ici alors que tu aurais pu vivre autrement. Tu cours et cours encore jusqu'à t'en percer les poumons... Pour quelle raison... L'argent n'est-ce pas? Tu aimes l'argent. Peut être plus que ta propre vie non? Dis moi... Tu mettrais ta vie en danger pour de l'argent? Pourquoi donc fais tu passer l'intérêt personnel avant ta propre santé... Je ne te comprends pas... Tu avais l'odeur de la mort et maintenant tu ne l'as plus? Laisse moi rire. Qui es-tu pour décider de ton aura. La cause à effet... Tu dérègles tout ce que j'ai pu concevoir... Et pourtant... Je te laisse la chance de m'être utile. Tout comme je leur ai laissé une chance. Regardes... Regardes ou nous en sommes. Regardes autour de toi ce que nous avons bâti. Quand tu auras rouvert tes yeux. Alors je t’accueillerai.
A ces mots. Elle me tourna définitivement le dos. Joignant la cuisine et me laissant là. Questionnant ma vie et son sens au plus haut point. Etait-elle aussi jeune, ou l'apparence qu'elle dégageait semblait faire en sorte de l'être...
Oy', gamine.
North était là. Après avoir ouvert la porte d'entrée. Il me regardait tout comme je le regardais lui et son sac de courses. Puis la porte où le piano sonnait, s'ouvrait alors, laissant place à un face à face démesuré entre deux hommes d'une envergure imposante.
Tiens... L'ex militaire et la p'tite nouvelle... - Fermes ta gueule l'ex flicard. - Mes hommages l'endeuillé.
- Le Phœnix et Héraclès.:
Boh... Tu sais... En général, quand les Kaulins disparaissent d'un coup, c'est pas pour prendre des vacances au bord de la plage. - J'ai du mal a te blairer, Kaulins, et pourtant t'as le potentiel. - Pars vers... Le nord alors... - J'vais te péter les deux bras. - Ah, alors c'est moi qui irait.
J'avais au moins ça de pris. North qui parlait à Kaulins. Ils ne s'entendaient pas du tout. Bien que les deux en venaient à sourire du même air provocant, ils n'en étaient pas venu aux mains. Ils se contentaient de mutuellement se tenir tête. Puis, ils se stoppèrent avant de m'observer tous les deux. Leur regard avait changé. C'est alors que le Kaulins l'ouvrit.
Oh? Alors elle y met vraiment tout son potentiel dedans? - Tu te souviens de l'échec avec Glenn... Les choses sont différentes maintenant. - Ouais... Ouais... Mais... Elle semble pas un peu trop fragile? - Y'a du progrès à faire...
Ils parlaient entre-eux de moi, comme si je n'étais pas là. Et pourtant, ils me regardaient. Le plus troublant était les yeux vairons qu'abordait l'homme qui portait le nom de Kaulins. J'avais donc décidé de prendre la parole.
Euh... Je suis là... Hein... - Non... Sans déconner... - Kaulins... Calme toi. - Oy' North. C'pas ta sœur hein. - Tout comme ce n'est pas une de tes proches.
Ils repartaient dans le débat, comme si je n'existait qu'un instant. Ils parlaient d'histoires de familles et de comptes à rendre. Encore une fois, j'étais impliquée dans une histoire qui me dépassait face à deux hommes qui semblaient se lancer des piques en guise de passe-temps. Tandis qu'un semblait être invincible, l'autre semblait toujours se refaire, s'adaptant à ses défaites.
Qui c'est... Glenn...?
Ils avaient arrêté leurs attaques, venant par la suite instaurer le silence entre eux deux, puis mécaniquement, Kaulins annonça.
L'erreur. C'est un cas désespéré. Un gars qui possède maintenant une façon de penser qui lui est propre... Ou corrompue... Une erreur. Pure et simple.
A ma question suivit de la réponse, un choc se fit entendre de la cuisine. Le genre de poing qui cogne une table tellement fort qu'il en vient à se briser avant que la table elle-même ne flanche.
Et merde.
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